Résumé :
« Lama Kewtsang Rinpoché, du monastère de Sera, était habillé pauvrement, mais il avait au cou un rosaire ayant appartenu au XIIIe dalaï-lama. L’enfant parut reconnaître le rosaire et demanda qu’on le lui donne. Le lama le lui promit s’il devinait qui il était, et le garçon répondit : “Sera-Aga”, ce qui, en dialecte local, signifiait “un lama de Sera”.
Le lama passa une journée entière à observer l’enfant avec un intérêt grandissant, jusqu’à l’heure du coucher. Tout le groupe passa la nuit dans la maison. Au petit matin, alors qu’ils se préparaient au départ, le garçon sortit de son lit et demanda à partir avec eux.
Cet enfant, c’était moi. »
Tenzin Gyatso, XIVe dalaï-lama

Chronique : ♥ ♥ ♥ ♥
Le témoignage bouleversant du dalaï-lama sur sa vie au Tibet avant d’être contraint à l’exil.

« Mon pays et mon peuple » est l’autobiographie de Tenzin Gyatso, XIVème dalaï-lama, publiée en 1962, alors qu’il vient de fuir le Tibet et que commence son long exil en Inde. C’est un témoignage sur le Tibet en même temps qu’un document politique sur l’invasion chinoise et le soulèvement du pays. Le but de cette biographie est de défendre la liberté du Tibet.

Le dalaï-lama commence par nous décrire son pays et plus particulièrement son village et ses traditions d’une plume empreinte de poésie. Les Tibétains sont avant toute chose des bouddhistes et ils forment un peuple heureux et paisible malgré des conditions de vie difficiles et un système féodal. On ne peut que ressentir l’amour que le dalaï-lama éprouve pour son peuple et sa terre.

C’est à l’âge de quatre ans et demi qu’il fut reconnu comme la réincarnation de Thupten Gyatso, le XIIIème dalaï-lama. Lorsqu’il atteint ses six ans, commence son éducation et on ne peut qu’être impressionné par le système éducatif tibétain. Le dalaï-lama expose avec beaucoup de clarté et de simplicité en quoi consistent ses convictions et sa foi en Bouddha : la réincarnation, la Loi du Karman, le Nirvana, la bouddhéité…

À 16 ans, alors qu’il n’a pas encore terminé son apprentissage et qu’il ignore pratiquement tout de la politique, on lui demande de prendre le gouvernement du pays pour faire face à l’invasion communiste chinoise. Le Tibet se retrouve seul face à la Chine, abandonné par des Nations qu’il considérait comme amies, victime de son isolement et de sa méconnaissance des relations internationales.

Durant les neuf années qui vont suivre, le dalaï-lama va tout tenter pour préserver son peuple et son pays. Afin de lui éviter le pire, il acceptera le 23 mai 1951 de reconnaître un accord en dix-sept articles établissant que le Tibet faisait partie de la Chine, en contrepartie de l'engagement par celle-ci à ne remettre en cause ni la religion ni le gouvernement du pays, accord extorqué par la force et les menaces à la délégation tibétaine. Il choisit la non-violence et la collaboration avec l’espoir d’amener pacifiquement les Chinois à respecter leurs accords. Il accepte de se rendre en Chine et de rencontrer le fondateur et dirigeant de la république populaire de Chine, Mao Zedong, qui lui fit forte impression. Dans ses écrits, le dalaï-lama dit avoir eu « la certitude que lui, personnellement, n’utiliserait jamais la force pour convertir le Tibet au communisme. » Et lorsque les faits vont lui démontrer le contraire, il écrira : « mais j’ai encore de la peine à croire que cette oppression avait l’aval et l’appui de Mao Zedong lui-même. » Et lorsque ce même Mao lui déclare : « Je comprends très bien votre point de vue. Mais, croyez-moi, la religion est un poison. Elle a deux gros défauts : elle affaiblit une race et elle freine le progrès. Deux victimes : le Tibet et la Mongolie ont été contaminés par elle », le dalaï-lama ajoute : « Je savais bien sûr qu’il devait être un farouche ennemi de la religion ; et pourtant je le sentais sincèrement bienveillant, voire affectueux à mon égard. »

Malgré tous ses efforts pour maintenir son peuple dans la non-violence, la coexistence pacifique entre Chinois et Tibétains se révèle impossible. Dès 1956 la résistance armée s’organise, durement réprimée par l’armée d’occupation. Le nombre de victimes dans le peuple ne cesse d’augmenter jusqu’au 10 mars 1959. Persuadés que le gouvernement chinois a décidé d’enlever le dalaï-lama, les habitants de Lhassa le retiennent à l’intérieur du palais d’été alors que dans les rues la foule manifeste sa colère contre la domination chinoise. La riposte ne se fait pas attendre et le 17 mars, deux coups de canon sont tirés alors que de nombreuses rumeurs font état de la volonté chinoise de bombarder le palais. Il le sera d’ailleurs le 21 mars et la répression sera terrible.

Le dalaï-lama décide alors de fuir caché sous l’habit d’un soldat, il réussit à quitter le palais avec sa famille, ses ministres et ses précepteurs, protégés par des guerriers tibétains. Après une longue marche harassante et périlleuse à travers l’Himalaya, ils parviendront à échapper à l’armée chinoise et à franchir la frontière pour se réfugier en Inde, le 31 mars 1959. Depuis cette date, il y réside, à Dharamsala, avec des dizaines de milliers de Tibétains fuyant le génocide organisé par les Chinois et il y a fondé le gouvernement tibétain en exil. Depuis il n’a cessé de lutter pour que les droits des Tibétains soient reconnus et pour trouver des appuis.

Le dalaï-lama est mondialement connu et est une personnalité très aimée. J’ai lu plusieurs de ses livres et j’ai toujours été très marquée par sa bienveillance, sa compassion et surtout par son pardon face aux exactions et horreurs commises par les Chinois. Dans cette autobiographie, je reconnais que j’ai eu du mal à comprendre son parti-pris favorable à Mao, mais cela n’engage que moi. Tout comme j’admire sa non-violence même si je me sens acquise à ceux qui ont choisi de résister. Par contre, j’ai eu du mal à comprendre tous les paragraphes concernant la politique et j’ai eu très envie de les sauter. Quant aux appendices, bien que très instructifs, j’avoue avoir fait l’impasse après avoir lu quelques lignes.

Cette autobiographie est très intéressante car elle nous fait découvrir toute la jeunesse du dalaï-lama ainsi que ses pensées au moment de l’invasion chinoise. Il fait revivre le Tibet d’avant. Cela dit, je comprends tout-à-fait ceux qui n’ont pas admis certaines de ses positions.

Je remercie les Éditions de L’Archipel ainsi que Babelio Masse Critique pour l’envoi de ce livre qui m’a permis de découvrir les jeunes années d’un homme remarquable qui n’a jamais cessé de combattre de façon non-violente pour que vive le Tibet et que soient reconnus ses droits face à la Chine communiste et des Nations scandaleusement indifférentes face à l’agonie d’un peuple pacifique.
Des conceptions humanitaires et un amour sincère pour tous les êtres ne peuvent être que le résultat d’une bonne perception de la substance de la religion. Peu importe le nom de celle-ci, sa compréhension et sa pratique sont le fondement d’un esprit paisible, et par conséquent d’un monde paisible. Si le calme ne règne pas en soi-même, il ne peut y avoir de paix dans l’approche d’autrui, et donc pas de relations pacifiques entre individus ou entre nations.
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